Pigeon, vole

Melinda Nadj Abonji

Anne-Marie Métailié

  • Conseillé par
    22 octobre 2012

    La famille de la narratrice, Ildiko, est originaire de Voïvodine, région de l'ex-Yougoslavie, aujourd'hui Serbe. Elle fait partie d'une minorité hongroise. Les parents décident d'émigrer en Suisse pour offrir une vie meilleure aux enfants. Ils partent d'abord seuls et les deux filles les rejoignent quelques années plus tard.
    Roman sur l'exil, la séparation, la difficulté, voire l'impossibilité de se faire accepter, même en travaillant plus que les autres, mais avant tout récit familial, probablement d'inspiration très autobiographique. Ildiko, l'aînée, n'a au fond jamais supporté de quitter sa grand'mère chérie, sa Mamika, auprès de qui elle était heureuse et tout le roman est parcouru par la douleur de cet arrachement.


    De courtes scènes alternent entre les époques et les lieux, tantôt en Suisse, tantôt en ex-Yougoslavie, dressant peu à peu le portrait d'une famille où chacun se débrouille dans son coin, avec ses états d'âme et ses petits secrets. Après des années de galère, les parents ont réussi à acquérir un restaurant, offrant aux regards la vision irréprochable de gens bien comme il faut. En grandissant, les deux filles se sentent tiraillées entre les deux manières de vivre, là-bas et ici, peinant à faire comprendre aux parents leur besoin de liberté.
    L'inquiétude est grande lorsque la guerre surgit, les nouvelles de la famille restée là-bas se font rares, et ce sera l'occasion de révéler aux deux filles une partie du passé ignoré de leur père et de leur grand'père. Où l'on voit une fois de plus qu'un pays livré successivement à plusieurs mouvements extrêmistes, tantôt fascistes, tantôt communistes, broie sa population sans pitié.
    Pour être tout-à-fait honnête, si je me suis attachée à la famille Kocsis, j'ai eu un peu de mal à entrer dans le style de l'auteur. Des phrases longues, mêlant plusieurs sujets et plusieurs époques à la fois. Passé ce petit inconvénient, le plaisir de la narration l'a emporté.


  • Conseillé par
    29 août 2012

    Un retour vers l'enfance ...

    Pigeon, vole : un titre bien énigmatique qu’on comprend mieux en se penchant sur la vie de Ildiko, ce personnage de papier qui a pas mal de points communs avec l’auteur … Née en Yougoslavie (en Serbie de nos jours), Idilko voue un attachement sans bornes à sa grand-mère qui l’a d’abord élevée en Pannonie avant que la jeune femme parte vivre avec ses parents en Suisse.

    Roman de l’exil, de ces personnes apatrides qui ne se sentent finalement jamais chez elles où qu’elles soient, Pigeon, vole est avant tout un roman sensuel, mais au sens premier du terme : c’est un roman qui décuple nos sens et nous donnerait presque envie de prendre le prochain train pour la Serbie …

    Il y a effectivement toutes ces descriptions culinaires qui ont eu l’effet d’une madeleine de Proust chez moi. Ces gros cornichons aigre-doux, ce goulash, ces oignons rouges en salade … J’en salive encore.
    Outre ces plats qui fleurent bon les vacances et l’enfance (pour un peu, je me serais vue dans le jardin de mes grands-parents), il y a aussi la chaleur du corps de Mamika, ses chants nocturnes aussi : oui, un roman qui décuple les sens et nous emporte très vite vers ce lieu idyllique que nous avons presque tous dans un coin de notre tête. Un lieu désormais perdu, mais tellement important : un lieu que le temps ne semblait pas changer … Pourtant, quand la guerre éclate, voici cette région elle aussi touchée.

    Il serait tout de même faux de dire que ce roman n’est qu’un éloge de cette région de Serbie. L’intrigue revient aussi sur ce sentiment de l’exilé, sur la difficulté de se fondre dans un autre pays,de s’intégrer aussi (l’administration suisse ne leur fera pas de cadeau), mais aussi de la guerre qui a à jamais détruit cet îlot de l’enfance d’Idilko.

    La langue de l’auteur (ou plutôt sa traduction) est quant à elle lumineuse, vive et sincère. Un peu à l’image de Mamika : voluptueuse et bienveillante. Un je-ne-sais-quoi qui nous pousse à adopter d’emblée ces personnages comme s’il faisait partie de notre famille.

    Pigeon, vole : des petits instantanés de vie qu’on aimera pour ses hauts et ses bas, le tout porté par une écriture pétillante.


  • Conseillé par
    28 août 2012

    Les tribulations d’une « yougo » en Suisse - Jeudi 16 août 2012

    Titre peu engageant — Pigeon, vole —, auteur inconnu au bataillon… mais éditeur apprécié. Encore une fois, le pari est gagné. Le seul reproche que j’adresserai à cet opus, publié dans la bibliothèque allemande de Métailié, réside dans sa mise en page, un peu trop dense à mon goût. Le reste — ton, style et langues —est en revanche d’une grande fluidité. J’emploie à dessein le pluriel pour évoquer la langue dans laquelle s’exprime l’auteur car Nadj Abondji née en 1968 en Serbie passe aisément du hongrois de son enfance au suisse-allemand de sa région d’adoption : Zurich.

    Et cela se sent jusque dans la traduction… Serbie, Suisse : deux patries, deux langues, deux libertés… comme l’héroïne de son roman : Ildiko qui grandit d’abord en Voïvodine (alors yougoslave, aujourd’hui serbe), avant de rejoindre ses parents en Suisse. Miklos le père et Rozsa la mère, soucieux de réussir leur intégration. Surtout ne pas se faire remarquer « « et arrivera le jour où ils ne feront plus attention à nous, nous serons comme de l’air pour eux, c’est la meilleure solution » (p. 115) ; travailler encore et toujours ; trimer sans relâche pour offrir à leurs deux filles — Ildiko et Nomi, sa cadette — un avenir meilleur. Ildiko et Nomi ont six ans lorsqu’elles quittent leur pays natal, le généreux giron de leur grand-mère Mamika, leurs oncles et tantes aux tempéraments bien trempés et Juli la voisine égarée dans son monde. Les années passent et les souvenirs remontent à la surface. La belle Mercedes des parents embourbée sur une route défoncée de Voïvodine ; le coup au feu au Mondial, le restaurant familial ou les deux sœurs travaillent, les échos de « la guerre des Balkans » à la télévision et la peur qui peu à peu gagne du terrain. Peur de perdre un être cher, impuissance face à l’escalade de la violence et à l’absurdité de la situation… Lorsque les deux sœurs ont laissé derrière elles leur village natal « cela ne signifiait alors pour moi rien de particulier que le nom de notre petite ville soit écrit par trois fois, en serbo-croate, en caractères cyrilliques et en hongrois » : Zenta, Cehta ou encore Senta. Quelques années plus tard, cette inscription prendra une tout autre signification. Et la vie de la famille en sera ébranlée. Point de misérabilisme pour autant, le ton reste enjoué — « Nos clients, s’agit-il de Suisses allemands ou d’Allemands suisses » (p. 120), l’écriture enlevée. Pigeon vole est un hymne à la vie, celle que l’on se choisit et non celle que l’on subit. Un hommage à ceux qui sont partis, mais dont le souvenir accompagne les vivants. En 2010, Melinda Nadj Abonji a reçu le Prix allemand du livre pour ce son livre. On ne serait pas étonné de le retrouver en course pour un prix littéraire. Et à dire vrai, c’est le contraire qui serait décevant.


  • Conseillé par (Libraire)
    8 août 2012

    Touchant

    Récit de Ildiko, "Ildi", enfant puis jeune femme qui avec un certain fond de tendresse évoque l'histoire de la famille Kocsis au regard d'une expérience multiculturelle et du recul de l'émigration.

    Sur un ton limpide et souple, vous pourrez découvrir le secret de grand-père Papuci et vous aimerez Mamika !

    La jeune femme rythme l'écriture entre tendresse des questions d'enfant et, en chemin vers sa vie d'adulte, témoignages romancés.