Les petits secrets d'Antoinette-Alice Daltroff

Les durs métiers du recyclage
Le terme de colporteur abrite un éventail de petits métiers avec leur hiérarchie interne, leurs filières et leurs spécialisations. Au bas de l’échelle, le chiffonnier ambulant, la hotte sur le dos, armé de son crochet pour ramasser parmi les immondices les objets recyclables les plus divers : vieux papiers, bouchons, ficelles, métaux, bois, chiffons pour fabriquer le papier, la graisse pour les chandelles ou le savon, ainsi que les carcasses et peaux d’animaux.
Il ne doit pas être confondu avec le maître chiffonnier qui possède un local de stockage, ni avec le brocanteur qui se rend à domicile pour acheter de vieux habits, meubles et objets de hasard. Toutes ces activités, constituant une véritable industrie du recyclage, se recoupent et se concurrencent, générant des tensions.
Les auteurs de l’époque donnent une image à la fois pittoresque du métier de chiffonnier tout en soulignant son caractère ingrat et son extrême difficulté. La brochure « Paris Gagne-petit » décrit leur peu enviable condition : « Quand tous se reposent, les riches sous leurs édredons, les pauvres sur leur grabat glacé, l’industrie nocturne descend de la rue Mouffetard et s’empare de la ville : elle parcourt les rues la hotte sur le dos, le crochet à la main, et dispute aux chiens affamés les choses innommées dont se compose son commerce. Après une nuit passée dans ses fouilles mystérieuses, le chiffonnier, fier de sa lourde charge, va rejoindre sa femme qui, plus diligente, plus heureuse dans ses recherches, a rempli sa hotte avant lui et l’attend assise sur une borne près de la porte du marchand de liqueurs qui va bientôt ouvrir. (…) Epargnez le gagne-petit, ô gouvernants ! Le petit métier, c’est la joie du passant quand il n’est pas le supplice, la distraction du flâneur, l’inspiration du peintre, le bonheur de l’amateur.».
L’image du brocanteur est controversée : « On peut hardiment affirmer que les trois-quarts sont des fripons. Ils le sont même nécessairement, puisque l’essence de leur état est de revendre le plus cher possible ce qu’ils ont acheté très bon marché. ».