Le Club des incorrigibles optimistes

Jean-Michel Guenassia

Le Livre de poche

  • Conseillé par
    3 novembre 2017

    Le club des incorrigibles optimistes

    Ce roman est né d'un souvenir d'enfance, d'un hasard de la vie. A l'arrière du Balto de Denfert-Rochereau, Jean-Michel Guenassia aperçoit Kessel et Sartre disputant une partie d'échecs, il note également la présence d'hommes semblant venir des pays de l'Est. A partir de cette image restée gravée dans sa mémoire, l'auteur a su tisser un long et savoureux roman, d'une grande richesse historique.

    Michel Marini, le narrateur, nous entraîne dans le Paris mouvementé des années 60. D'octobre 1959 à juillet 1964, on le suit dans une adolescence rythmée par le rock'n roll, le babyfoot, les évènements d'Algérie, la guerre froide, le communisme, les attentats contre Sartre, le procès des Rosenberg... Personnage attachant, ce lecteur compulsif et amateur de photographie, adolescent pourtant ordinaire, va faire une multitude de rencontres qui vont bouleverser sa vie, lui apporter une grande ouverture d'esprit et le faire mûrir. Au fond du Balto, modeste bougnat de Denfert, il découvre un club d'échecs rebaptisé le Club des Incorrigibles Optimistes où il va faire de fabuleuses rencontres : Igor, Werner, Sacha, Leonid, Imré, Gregorios, Pavel… Ces apatrides, juifs pour la plupart, communistes ou anti-communistes, ont fui le rideau de fer, laissant derrière eux femme et enfants au pays et sont confrontés à la dure réalité de l'exil. Mais ces hommes à qui il ne reste plus rien, qui ont perdu, jusqu'à leur identité, sont malgré tout vivants. Pour eux, il reste donc encore un espoir auquel ils s'accrochent. Ils ont survécu à l'horreur, rien n'est alors impossible. D'autres personnages, extérieurs au club ont également une forte influence sur l'adolescent : Cécile, Pierre, son frère Franck, son grand-père Enzo, Camille…
    A travers ces tranches de vie racontées par bribes, le jeune Michel apprend la vie et détient les clefs pour tenter de construire sa propre pensée politique.


  • Conseillé par
    25 août 2013

    Comme ma lecture du dernier roman du même auteur, celle-ci m'a parue inégale mais je l'ai tout de même préférée à "La vie rêvée d'Ernesto G". J'ai adoré le rapport que Michel entretient avec la lecture, même si parfois je me dis que c'est un peu un moyen facile de nous mettre dans la poche de l'auteur puisque nous sommes souvent des dévoreuses de livres qui peuvent s'identifier au personnage. Les excuses que Michel trouve pour expliquer ses retards, qui sont souvent vraies, m'ont vraiment fait sourire:
    "Quand quelques jours plus tard, j'ai expliqué à l'appariteur, un pion thésard, que mon retard était dû au suicide d'Anna Karénine, il a cru que je me foutais de lui."

    Il a des cas de conscience que tout lecteur finit par avoir (et qu'on retrouve dans "7 femmes" de Lydie Salvayre):

    Je ne lisais pas un romancier. Je lisais sa vie et je n'arrivais pas à aimer l'oeuvre si je n'aimais pas l'homme. ... Comment réagir quand vous adoriez Jules Verne, Maupassant, Dostoïevski, Flaubert, Simenon et une flopée d'autres qui se révélaient d'abominables salauds?

    Michel Guenassia nous fait voyager en Algérie, en Russie, nous décrit ces générations d'hommes sacrifiées mais toujours avec une pointe d'humour:

    Buzzati a produit une oeuvre imaginaire et irréaliste. Son fort a une incroyable densité d'intellectuels au mètre carré. Ici, c'est la vraie vie: une concentration d'abrutis.

    Les personnages sont attachants et souvent décrits par leurs habitudes de lecture:

    "Elle adorait Camus. Franck le détestait. Je ne savais pas encore que c'était comme pour Reims ou le Racing Club de Paris, Renault ou Peugeot, le bordeaux ou le beaujolais, les Russes ou les Américains, on devait choisir son camp et ne plus en changer."

    ou par leurs jugements à l'emporte-pièce qui nous font sourire:

    "Les mathématiques, c'est l'autorité. Quand on fait un blocage avec les maths, c'est qu'on a un problème avec le père et avec l'autorité."

    Mais si toutes ces petites phrases que j'ai relevées ont l'air drôle, ne vous y fiez pas, c'est un roman dans lequel les apparences joviales cachent de profondes blessures : celles des Marini qui se déchirent ou se séparent, celles d'un enfant qui ne se sent pas aimé, celles de ceux qui ont connu la guerre d'Algérie, ou le déracinement lié au communisme. Si j'ai beaucoup aimé le début, mon intérêt s'est un peu étiolé au fil des pages mais ce fut une lecture agréable et je comprends tout à fait qu'il ait obtenu le Prix Goncourt des lycéens.