Mohican, Roman

Eric Fottorino

Gallimard

  • Conseillé par (Libraire)
    10 août 2021

    Une histoire buissonnière

    « Mohican » est le beau roman d'une relation difficile entre un père septuagénaire et son fils trentenaire, tous deux agriculteurs dans le Jura mais dont les pratiques agricoles et le regard sur la terre et la nature divergent, chacun étant façonné par son époque. Aux méthodes productivistes du père qui vont jusqu'à ruiner sa santé, le fils leur préfère des méthodes plus douces et écologiques. Jusqu'au jour où le père accepte l'implantation d'éoliennes industrielles sur leurs terres au risque de défigurer le paysage et de perturber le milieu naturel. Tout alors bascule.
    Avec ce père et son fils, une femme défunte mais dont l'ombre demeure douce et un oncle mutique et furtif aux gestes apaisants, Eric Fottorino campe des personnages touchants et sincères dans une époque qui l'est beaucoup moins, sous des paysages de grande beauté. Cette belle histoire buissonnière placée sous les sceaux de Virgile, Zola et Giono interroge pertinemment nos relations contradictoires à la nature, à la terre et à l'agriculture.


  • Conseillé par
    2 septembre 2022

    Quel beau roman que ce Mohican ! Eric Fottorino montre le monde paysan tel qu'il fut et tel qu'il devrait redevenir. A travers les différentes générations, il fait vivre l'évolution constante jusqu'à la folie de la surproduction et le nécessaire retour à des pratiques plus saines. Ce fut d'abord Léonce qui travailla la terre avec des chevaux, puis Brun qui céda aux sirènes de la mécanisation, puis, sous l'insistance nationale, déboisa et investit dans des produits censés aider à la production. "Sa croyance aveugle dans le progrès l'avait exposé plus d'une fois au danger. Dans sa tournure d'esprit, il s'était dit qu'en se camouflant sous mille protections il éveillerait la suspicion des gens. S'il s'habillait en martien, c'était bien qu'il polluait la terre, non ?" (p.36) Puis c'est maintenant Mo qui veut garder la terre saine et en vivre.

    Eric Fottorino a été journaliste spécialisé dans le monde agricole, et ça se sent. Il aime les hommes qui travaillent la terre et qui ont, depuis des années, perdu leurs repères, sollicités, dragués par l'industrie chimique. "Comprends ceci, Mo. Sans la chimie, sans nos machines, jamais on n'aurait fait de notre pays une puissance agricole. C'est bien beau à présent de rêver écologie, petites fleurs et légumes bio. Mais si on était partis dans cette direction après la guerre, crois-moi, il y a longtemps qu'on aurait tous crevé de faim." (p.138)

    Brun et Mo sont des taiseux, mais la maladie du premier les rapproche et chacun parle de sa vision du travail, de leurs terres, des animaux. Ces pages-là sont magnifiques, l'auteur décrit les paysages, la faune et la flore et l'on y est. C'est très beau, peut-être idéalisé, mais on y croit et l'on comprend que Mo veuille garder intact le domaine de Soulaillans. C'est un texte qui touche, qui émeut sans user de grosses ficelles. L'écriture est superbe, elle se fait très terre-à-terre par moments, plus lyrique dans certaines descriptions de lieux. Je me suis régalé de bout en bout, j'ai pris mon temps pour rester un peu aux Soulaillans.