Un écrivain, un vrai

Pia Petersen

Actes Sud

  • Conseillé par
    22 février 2013

    Gary Montaigu a tout pour être heureux: le succès, la célébrité, un prestigieux prix littéraire, une belle épouse et un grand projet. En effet, il vient de signer pour participer à "Un écrivain, un vrai" la première émission de téléréalité consacrée à la littérature. Le principe en est simple : des caméras le filmeront 24 heures sur 24, les téléspectateurs suivront en direct son travail d'écriture et pourront intervenir directement sur son nouveau roman en cliquant sur "J'aime, Je partage" ou en changeant le cours de l'histoire si elle ne leur convient pas. Pour Gary, c'est une façon de se mettre au goût du jour et de faire connaitre la littérature au plus grand nombre. Mais entre un beau projet et sa réalité concrète, il y a un gouffre dans lequel l'écrivain tombe lentement. Alors que sa femme Ruth s'épanouit sous les caméras, Gary s'éteint, se tarit, ne supportant pas cette intrusion de chaque instant dans son intimité et dans son travail de création.
    Un an plus tard, il vit reclus dans son bureau au sous-sol, cloué sur une chaise roulante après un accident. Il écrit encore mais sans conviction, seulement sous l'autorité de Ruth qui le presse d'ailleurs de reprendre le tournage bien qu'il s'y refuse obstinément.

    A une époque où tout le monde twitte et partage des informations sur facebook, où devant leurs écrans de télévision, les spectateurs suivent les pseudo-aventures de pseudo-vedettes dans la jungle, sur une île ou à Las Vegas, dans un monde où tout doit aller vite où les foules adorent et oublient dans la foulée, la littérature n'est-elle pas devenue has-been? Pour Gary Montaigu, être le héros d'une émission de téléréalité, c'est faire entrer la littérature dans chaque foyer, c'est permettre à tous de s'investir dans une oeuvre mais il ne se doute pas que la réalité de ce genre de programme porte un nom trompeur. Il ne s'agit pas de montrer la réalité telle qu'elle est mais de la scénariser pour qu'elle intéresse, émeuve, énerve, passionne le plus grand nombre. Très vite, Gary perd pied, la production s'immisce dans sa vie privée, décide de qui il doit voir, écouter, aimer, de ce qu'il doit dire et surtout de ce qu'il doit écrire. Son roman ne lui appartient plus, la littérature est reléguée au second plan, ce qui compte c'est plaire au public et le public ne veut pas réfléchir, il veut des cris, des larmes, du sexe, de l'action.
    Saine réflexion sur l'avenir de la littérature à l'ère des réseaux sociaux, de la consommation kleenex et du voyeurisme, Un écrivain, un vrai est un roman élégant et passionnant qui fait frémir. Espérons que jamais la littérature ne se fourvoiera dans ce genre de programme et qu'il restera toujours suffisamment de lecteurs avides de rêver, d'apprendre et de réfléchir grâce au talent d'un écrivain libre et créatif!
    Un roman, un vrai....et si j'osais je dirais ...J'aime, je partage!

    Un grand merci à la librairie Dialogues pour cette belle découverte.


  • Conseillé par
    12 février 2013

    Ecrivain reconnu, Gary Montaigu reçoit la consécration suprême avec l’International Book Prize. Miles un producteur de télé propose à Gary de rester encore plus longtemps sous les feux de la gloire avec une émission de téléréalité qui lui sera entièrement consacrée. Pendant deux mois, Gary poursuivra l’écriture de son roman en cours et les spectateurs voteront. C’est eux qui décideront de l’évolution du livre alors que Gary sera filmé en permanence. Ruth la femme de Gary qui supervise sa carrière l’encourage vivement d’accepter. Avide de reconnaissance, elle arrive à convaincre Gary. Miles leur vend le projet comme la possibilité de donner une autre vision de la littérature. Plus actuelle, plus en phase avec ce que les gens demandent. Seule l’écriture d’un livre ne fera pas d’audience, Miles le sait pertinemment. Il faut donner davantage aux téléspectateurs. Leur laisser la possibilité de s’impliquer dans le roman mais aussi dans l’intime, le personnel. Le contrat prévoit que Ruth surprendra Gary en train d’embrasser une autre femme Tout est écrit par avance. Mais au bout d’un mois la mascarade s’arrête à cause de Gary.

    On retrouve Gary un an plus tard après un accident. Isolé dans une chambre de son domicile, assis dans un fauteuil roulant, il écrit sans conviction parce que Ruth l’ordonne. Elle a toujours tout planifié pour lui. Miles s’impatiente pour que le tournage de la storystelling reprenne au plus vite. Ruth use de tous les moyens mais Gary refuse obstinément.

    Alternant habilement le déroulement de l’émission de téléréalité et les impacts des mois plus tard, l’auteure nous amène à découvrir ce qui s’est passé. Elle dresse le portait réaliste peu flatteur de la télévision prête à tout pour répondre à la demande des téléspectateurs mais aussi celui de notre société . Les gens aiment s’inviter dans l’intime des autres, s’identifier à quelqu’un et surtout le juger. A travers Gary, les questions sur le rôle de la littérature, la liberté de l’écrivain et les besoins que nous fabriquons sont creusées.
    Avec une écriture vive où l’énergie se mêle à l’intelligence, Pia Petersen nous offre un très bon roman où les réflexions, les propos sont très justes ! Un livre dévoré qui s'est transformé en hérisson (avec ses nombreux marque-pages !).