claudialucia

http://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/

Depuis mon apprentissage de la lecture, les livres ont toujours tenu dans ma vie une place immense. J'ai ouvert ce blog intitulé Ma librairie pour garder le souvenir de toutes ces lectures, des émotions ressenties, des récits, des mots et des phrases qui m'ont marquée.
Le titre de mon blog est un hommage à Michel de Montaigne qui aimait à se retirer dans sa librairie (au XVIème siècle le mot a le sens de bibliothèque), au milieu de ses livres.
La librairie de Montaigne était située au troisième étage d’une tour de son château qui figure dans mon logo. Là, il lisait, méditait, écrivait. Là, il rédigea Les Essais.
Pour moi, comme pour lui, les livres : “C’est la meilleure des munitions que j’aie trouvée en cet humain voyage”.

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28 mars 2011

Janet Frame : Vers un autre été

Le roman de Janet Frame "Vers l'autre été" met en scène un personnage fictif, Grace Cleave, néo-zélandaise exilée en Angleterre qui est le double de l'écrivain et lui permet de raconter un moment de sa vie à Londres. Janet Frame n'a pas voulu que ce roman paraisse de son vivant.
Plus tard, elle écrira son autobiographie : "Un ange à ma table" que Jane Campion à porté à l'écran. Il faut dire que Janet Frame n'a pas eu une vie banale et pour bien comprendre son livre il est bon de la connaître un peu.

Janet Frame est née en Nouvelle-Zélande en 1924 dans une famille modeste de cinq enfants. D'une sensibilité excessive, maladivement timide et renfermée, incapable de s'exprimer à l'oral, mais très douée intellectuellement, elle a très tôt déclaré qu'elle voulait être poète et écrivain. Ses parents ont préféré l'orienter vers le métier d' institutrice. Le mal-être qu'elle en a éprouvé, ajouté à la mort par noyade de ses deux soeurs à dix ans d'intervalle, l'ont plongée dans la dépression. Après une tentative de suicide en 1945, les médecins ont diagnostiqué à tort une schizophrénie et elle a été enfermée dans un asile psychiatrique pendant 8 ans. Là, elle a subi deux cents électrochocs et n'a échappé à la lobotomie que parce que le livre qu'elle a publié pendant son internement, "le Lagon" (1951) a remporté un prix littéraire. Libérée, sauvée par la littérature, elle publie en 1957 : "Les hiboux pleurent vraiment" puis elle quitte la Nouvelle-Zélande pendant sept ans. Elle gagne sa vie en exerçant toutes sortes de petits métiers mais elle continue toujours à écrire. Elle n'a trouvé le courage de retourner dans son pays natal qu'à la mort de son père en 1963.
Elle est l'auteur de quinze romans, de quatre recueils de nouvelles et de poèmes. Elle a été pressentie deux fois pour le prix Nobel et est morte en 2004.

Dans "Vers un autre été", Grace Cleave, écrivain, vit en exil à Londres où elle ressent angoisse, froid et solitude. Dans son petit meublé, elle ne cesse pourtant d'écrire et de publier. Ecrivain déjà reconnue, elle reçoit un jour la visite d'un journaliste Philippe Thirkettle, pour une interview, mais comme d'habitude, elle se sent incapable de répondre à ses questions. Philippe qui a épousé une néo-zélandaise l'invite pour un week end chez eux.
Pendant ce séjour de Grace-Janet dans la famille de Philip et d'Anne, avec les enfants Noël et Sarah, des thèmes reviennent, lancinants : celui de l'exil, du mal du pays. Le récit alterne entre le présent de Grace et des retours vers le passé, dans son enfance, entre l'Angleterre froide et pluvieuse et le soleil, la luminosité de la Nouvelle Zélande.
"Comment s'était-elle jamais habituée à vivre en Grande-Bretagne, se demanda-t-elle. Comment avait-elle pu échanger le soleil, la plage, la tente chatoyante de lumière, le paysage spectaculaire, montagnes, rivières, ravins, glaciers, contre la blessure saignante de briques qui semblait une part importante de ce pays ; les arbres grêles de l'hiver, si fatigués, qui poussaient dans la crasse, comme si un dieu débraillé, penché au-dessus de la blessure qu'il voulait nettoyer avait pris quelques brindilles pour la sonder, et amusé par ce qu'il voyait, les avait laissées plantées dans la blessure."

A cela s'ajoute, le thème de l'impossible communication. Grace ne parvient pas à exprimer ce qu'elle ressent; chaque fois qu'elle veut parler, la peur de mal agir, de dire quelque chose d'incongru, de contrarier son interlocuteur, la paralyse. Dès son enfance, "Grace savait qu'il fallait faire très attention avec les mots", les mots sont dangereux, ils veulent parfois dire autre chose que ce qu'ils disent et c'est peut-être ce qui la retient de s'exprimer.
Grace Cleave est vouée à la solitude car pense-t-elle "rien n'est simple quand votre esprit va-et-vient entre les différentes tranches d'un monde extérieur dangereux et d'un monde intérieur sûr et secret." Surtout lorsque l'on "s'aperçoit que le monde secret a disparu ou qu'il s'est tellement étendu qu'il est devenu un cauchemar public".
La solitude, Grace a en l'habitude. Les gens sont heureux de rencontrer l'écrivain célèbre qu'elle est devenue mais bien vite, ils sont déçus, s'ennuient en sa compagnie. Elle se regarde alors sans complaisance et souvent même avec consternation. Quand elle s'entend débiter des platitudes, dire des sottises par pure timidité, elle est parfois au bord du désespoir. Son ironie s'exerce à ses dépens et lui fait mal... A nous aussi, lecteurs, car la souffrance de cette femme est palpable, ses angoisse semblent, par le pouvoir de l'écriture, se matérialiser, se transformer en images effrayantes ou insolites :

"Alors qu'elle analysait les yeux de Philip, Grace sentit à l'arrière de son esprit un mouvement de portes coulissantes qui s'ouvraient pour laisser sortir au soleil, des petits animaux dotés de griffes et de dents pointus dont la fourrure dégageait une odeur nauséabonde. (...) Le petit animal "partit en exploration jusqu'à ce qu'il découvre le grillage, les limites; il n'était pas libre finalement; on l'avait seulement laissé sortir et cligner des yeux au soleil le temps de nettoyer sa cage!"

"Si un loup mettait les vêtements de grand mère je m'en apercevrait tout de suite- ou peut-être pas. C'est facile de se tromper sur les gens.. leurs visages changent.. quelque fois les gens ont l'air de loups.."

Il faut tant de courage pour être un homme!

"Savez-vous quel courage il faut aux êtres humains pour marcher sur terre, se dresser harcelés par le temps qu'il fait et par l'espace; toujours objet d'attaques, survivant encore; comment l'homme peut-il oser se planter ainsi, et connaître la magnificence de l'esprit qui le pousse à construire une structure qui soit plus que quatre murs et un toit...Comment l'homme peut-il oser? C'est un prodige qu'il ne se construise pas une petite hutte, y entre, ferme et verrouille la porte, et y passe sa vie tête humblement baissée".

Il faut tant de courage aussi pour être une femme comme Janet Frame, si brillante lorsqu'elle écrit mais murée en elle-même quand il s'agit de parler surtout dans une société qui préfère le paraître, le brio superficiel à la profondeur, donc la parole à l'écrit! Et encore n'était-elle pas entrée dans cette société médiatisée à l'extrême que nous connaissons où passer à la télévision dispense d'avoir de la valeur!

A la recherche de son identité, elle se découvre oiseau migrateur, c'est à dire pas tout à fait humaine, elle s'enfuira avant la fin du week end, incapable de supporter plus longtemps ces échanges voués à l'échec au sein d'une vie familiale qui lui fait peur mais dont elle est parfois jalouse. De toutes façons "C'était perdu d'avance"!
La seule solution c'est peut-être de rentrer chez elle : "Bonjour maman bonjour papa," car "le lointain nous regarde; les barges s'envolent vers l'autre été et nul ne sait où il s'étendra ce soir"

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21 mars 2011

Le beau de tous les cadeaux du monde Pascal Teulade et Jean-Charles Sarrazin

Quand on est tout petit et que l'on veut faire un cadeau d'anniversaire à sa maman, c'est bien difficile! Pierrot va s'en rendre compte par lui-même. S'il veut emballer le chat, par exemple, pour faire un joli paquet, celui-ci ne coopère pas! Mais pas du tout! Et comment donner un de ses jouets alors que c'est maman elle-même qui les a offerts? Alors Pierrot a une idée, une très bonne idée qui fera plaisir à sa maman. A votre tour de réfléchir et de trouver : quel est le plus beau cadeau qu'un petit garçon (ou une petite fille) puisse faire à sa maman?

Cet album est charmant. Il dit aux tout-petits que l'amour qu'il porte à leur mère est ce qu'il y a de plus important au monde. Les illustrations sont très douces et montrent l'univers d'une chambre d'enfant avec sa joyeuse pagaille, les jouets et le petit chat, compagnon de jeu, tendrement aimé. Je connais une certaine petite fille qui a bien ri en voyant le chat hérissé et toutes griffes dehors quand Pierrot veut l'enfermer ou en reconnaissant une chambre semblable à la sienne. Bonne occasion de reconnaître et de nommer tous les jouets qui traînent dans cette pièce! Bonne occasion aussi de finir la lecture dans les bras de maman avec de gros bisous.
La lecture en direction des enfants à partir de deux ans permettra donc un échange entre les parents et leurs bouts de chou et le livre, avec son texte court et clair, pourra être lu, seul, par un petit lecteur dès six ans.

Le vol de la Joconde au Louvre en 1911

Le Passage

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13 février 2011

A la Santé

Avant d’entrer dans ma cellule
Il a fallu me mettre nu
Et quelle voix sinistre ulule
Guillaume qu’es-tu devenu

Le Lazare entrant dans la tombe
Au lieu d’en sortir comme il fit
Adieu adieu chantante ronde
Ô mes années ô jeunes filles

"Guillaume qu'est-tu devenu?" C'est le cri d'angoisse que jette Guillaume Apollinaire dans "A la Santé" publié dans "Alcools". En prison, il est accusé de complicité dans le vol de La Joconde! Et l'on sait que Picasso sera lui aussi inquiété. Depuis la lecture de ce poème, j'ai toujours eu envie, sans arriver à avoir une vue d'ensemble sur tous ces évènements, de savoir pourquoi notre pauvre poète s'était trouvé pris dans un tel imbroglio! Aussi quand Dialogues croisés a présenté parmi les lectures possibles, l'essai de Jérôme Coignard : "Une femme disparaît , Le vol de la Joconde au Louvre en 1911", je me suis précipitée.

Ma curiosité est donc satisfaite à présent grâce à ce livre très bien documenté? Il procède comme une enquête policière en suivant pas à pas les tribulations de La Joconde depuis son enlèvement au Louvre le 22 août 1911 jusqu'à son retour à Paris le 31 décembre 1913 après avoir été transportée en Italie par le voleur, un ouvrier italien qui travaillait en France.

Le livre nous apprend des fait étonnants sur ce qu'était Le Louvre dans ces années-là. Voler une oeuvre, fut-ce une peinture aussi célèbre que La Joconde, était un jeu d'enfant à cette époque. En effet, les tableaux étaient accrochés à de simples clous, sans dispositif de sécurité, et il était coutume, de plus, de les transporter d'une salle à l'autre pour qu'ils soient photographiés ou copiés sans que personne ne s'inquiète de leur absence! C'est depuis le vol de la Joconde, d'ailleurs, qu'est née l'habitude de laisser un panneau en lieu et place de l'oeuvre annonçant le déplacement du tableau, la raison de son absence, sa destination, et la date de son départ!

Ce à quoi, je ne m'attendais pas en lisant cet essai, c'est à l'aspect franchement comique voire absurde de toute cette affaire! Jérôme Coignard nous offre de véritables moments vaudevillesques qui mettent en scène les ridicules de tous, à toutes les échelles, des gardiens du Louvre au directeur, de la police à ces messieurs du gouvernement. Les écrits des journalistes prêtent à rire aussi avec leur prose ampoulée déplorant le vol du tableau en des termes pompiers. Ridicule aussi toute cette foule qui n'était jamais allée voir Monna Lisa de "son vivant" - si l'on peut dire- et qui vient par milliers admirer les trois clous qui la retenaient. Les cafouillages de la police, les facéties des parisiens qui se livrent à des vols dans les musées et rendent ensuite leur larcin pour mieux prouver l'impéritie des services de sécurité sont autant de petits récits comiques que peut savourer le lecteur. Mais le plus absurde de tous est décidément le voleur, un italien immigré qui avait lu que Napoléon avait volé des oeuvres à l'Italie. D'où sa décision de rendre le tableau de Vinci à l'Italie tout en touchant un pactole! Curieuse alliance de patriotisme et d'intérêt personnel! Or, la Joconde n'a jamais été italienne. C'est une oeuvre que Léonard de Vinci a réalisée en France quand il était l'invité de François 1er et que le roi a acquis pour une coquette somme.

Mais sous l'aspect de comédie se dessine la menace de la guerre toute proche que cette folie liée à La Joconde semble repousser à l'arrière plan et les propos anti-germanistes mais aussi antisémites (on est tout prêt de l'affaire Dreyfus) fleurissent dans les journaux, en particulier dans l'Action française.

Un essai que j'ai lu avec plaisir et qui reconstitue toute une époque!


22,30
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22 janvier 2011

Faut-il manger les animaux? de Jonathan Safran Foer

Faut-il manger les animaux? C’est la question que pose l’écrivain américain Jonathan Safran Foer qui abandonne un moment le roman pour écrire cet essai publié au mois de Janvier aux éditions de l’Olivier.

Jonathan Foer pose d’abord le problème moral qui a d’abord était celui des sociétés primitives mais qui, à notre époque, ne nous préoccupe plus trop, l’animal nous apparaissant comme de la viande dans un supermarché : est-il moral de manger des animaux? Ceux-ci, en effet, sont capables de conscience, de sensibilité donc de souffrances aussi bien physiquement que psychologiquement. Sans verser dans l’anthropomorphisme et en s’appuyant sur des observations et des expériences scientifiques rigoureuses, on peut déterminer que les animaux sont sensibles à la peur, au stress qui se mesure aux toxines libérées dans leur organisme; ils peuvent mourir de crise cardiaque; ils sentent approcher la mort. Ils sont dotés d’une certaine forme d’intelligence qui, si elle n’est pas égale à celle de l’homme, est pourtant indiscutable de nos jours. Nous le nions parce que cette vérité est dérangeante.


Cependant, il faut savoir que, si l’on ne veut pas renoncer à manger des animaux parce que c’est une chose “naturelle”, il est moins naturel de surconsommer de la viande comme le font les américains et à un moindre degré (mais tout de même!) les européens! Une consommation excessive de viande entraîne le développement intensif et bientôt exclusif de l’élevage industriel qui se concentre aux mains de quelques multinationales dont les gouvernants se font les complices au nom des profits économiques. Or, l’élevage industriel n’est pas moral, l’élevage industriel est mauvais pour notre santé, l’élevage industriel est une catastrophe écologique dont notre planète a et aura toujours plus à souffrir si nous continuons ainsi.
Ce sont les trois idées-phares que développe Foer au cours d’une argumentation solide qui s’appuie sur des exemples tirées de son enquête et d’une documentation ample et méthodique.

L’élevage industriel ne respecte aucune éthique. Les quelques lois qui paraissent pour protéger les animaux sont timides, mal observées et souvent détournées. L’élevage est en effet pratiquée d’une manière inhumaine qui implique une souffrance quotidienne des animaux. La mortalité à cause des conditions de vie et des mauvais traitements est extrêmement élevée et se pose alors le problème des cadavres à éliminer qui sont versés dans des fosses où ils vont contaminer les couches souterraines, les cours d’eau comme le font d’ailleurs les déjections, le purin de ces fermes industrielles qui sont cause d’un pollution intense et irréversible. De même pour les émissions de gaz à effet de serre rejetées par ces élevage si intensifs.. Pour éviter les maladies qui s’attaquent systématiquement à ces animaux, on leur injecte des doses de médicaments et surtout d’antibiotiques massifs. Ils sont pourtant infectés de bactéries que les conditions d’abattage accroissent encore; les bains de javel dans lesquels on fait tremper les volailles ne résolvent pas le problème puisque des maladies liées à cette alimentation ont été recensées sur une population d’environ 76 millions d’américains. D’autre part, cet élevage industriel est responsable des grippes aviaires et porcines qui font peser sur notre planète les risques d’une pandémie. Celle-ci pourrait être aussi meurtrière que la grippe espagnole de 1918 qui a fait, à elle seule, plus de morts que la première guerre mondiale.
Mais ce n’est pas tout. Les animaux élevés en industrie sont génétiquement modifiés pour qu’ils produisent plus, pour les rendre plus charnus. Les espèces naturelles sont en voie de disparition. Les différentes races de poules, par exemple, sont en train de disparaître pour laisser place à un “prototype” difforme, monstrueux, qui accroîtra le profit de ces éleveurs.
D’autre part, l’accroissement des cultures réservés au bétail occupe déjà et occupera une portion toujours plus grande des terres cultivables .. La faim dans le monde pour les pays pauvres risquent de s’accroître pour que les pays riches puissent continuer à surconsommer de la viande!
Il n’y a plus aux Etats-Unis de fermes naturelles sauf celles de quelques fermiers qui cherchent encore à préserver les espèces et à pratiquer un élevage et un abattage moralement acceptables. Mais ils font faillite ne pouvant tenir devant la concurrence des multinationales.

"Il n’y a plus de fermiers, mais des managers, des usines d’élevage, d’abattage, de découpe et de conditionnement dont les responsables n’ont plus aucune notion de ce qu’est un animal. Ils n’ont qu’une pensée : comment gagner plus en dépensant moins, et s’ils pensent que des animaux malades leur feront gagner plus que des animaux sains, ils le font. S’ils pensent que cela revient moins cher d’élever des animaux hors nature, à l’intérieur, sans voir le jour, ils le font. S’ils pensent qu’on peut les nourrir avec autre chose que de l’herbe et du fourrage, ce que jamais un fermier n’aurait pu penser il y a cinquante ans, ils le font et les nourrissent de maïs ou de tourteaux de soja, ou même de résidus animaux, faisant d’espèces herbivores des carnivores malgré elles. Savez-vous qu’un poulet dans la nature vit dix ans et celui que vous mangez au McDonald’s, quarante-cinq jours ? S’il vivait plus longtemps, ses pattes se casseraient sous son poids."

Pour mener à bien cette étude Jonathan Safran Foer a étudié de nombreux rapports de scientifiques, de sociétés de consommateurs indépendantes du pouvoir. Mais il a aussi demandé des autorisations pour pénétrer dans les grands abattoirs et les grands élevages des Etats-unis, autorisations qui lui ont toujours été refusées, bien entendu! Alors il y est entré clandestinement, de nuit. Il a vu de ses yeux des spectacles effarants qu’aucun être humain ne devrait pouvoir tolérer. Il a interrogé des ouvriers qui ont témoigné sous l’anonymat par crainte des représailles de ce qui se passait dans les abattoirs, certains ont même filmé des scènes d’une cruauté insoutenable. Il est allé aussi visiter ceux qui, parmi les éleveurs luttent pour pratiquer un élevage correct sur le plan éthique et pour préserver les animaux des souffrances inutiles qui s’abattent sur eux dans les abattoirs.

Quant au style, disons que Jonathan Safran Foer sait appeler un chat un chat et qu’il ne s’embarrasse pas de fioritures. Il va droit au but! Il a l’art aussi par des comparaisons imagées de parler à l’imagination du lecteur et de lui permettre de mesurer l’ampleur de la catastrophe. Ainsi quand la multinationale Smithfield a rejeté plus de 75000 mètres cubes de déchets liquides dans la New River en Caroline du Nord. Elle a, nous dit J.S. Foer, "libéré assez de lisier liquide pour remplir 250 piscines olympiques."

Je dois dire que ce livre a soulevé pour moi de graves questions : quelle est notre responsabilité en tant que consommateurs? Devenir végétarien est-il une réponse? En suis-je capable? L’attitude d’une minorité peut-il changer quelque chose face à ces grands groupes tout puissants? J’en suis arrivée à me dire que faire savoir ce qui se passe paraît un devoir et accepter de le savoir aussi!

J’ai bien aimé l’attitude de Jonathan Foer qui explique sa propre lutte : Devenir végétarien, c’est renoncer au poulet aux carottes de sa grand mère, la plus Grande Cuisinière du Monde. Cette grand mère qui, enfant, a vu disparaître sa famille dans les camps de concentration et, fuyant les nazis, a survécu dans les forêts presque morte de faim. Pourtant, même alors, elle n’aurait jamais accepté de manger de la viande qui n’aurait pas été casher car, explique-t-elle à son petit-fils, et c’est par ces mots que Jonathan Safran Foer conclut son essai : "Si plus rien n’a d’importance, il n’y a rien à sauver."

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15 janvier 2011

Soupir apprend à siffler de Irène Schwartz et frédéric Stehr

"Soupir apprend à siffler" de Irène Schwartz et Frédéric Stehr aux éditions L'école des Loisirs fait partie d'une série d'albums qui raconte les apprentissages de Soupir, petite marmotte qui a tout à apprendre de la vie et de sa soeur Mariette : La fessée de Mariette et de Soupir, Mariette et Soupir ont perdu maman, Mariette et Soupir cherchent une maison...

Dans cet album Soupir va être initié aux différentes manières de siffler par sa grande soeur Mariette. Mais n'allez pas croire que c'est une occupation futile. Bien au contraire! Car de ces sifflements dépend la survie de famille marmotte. Ainsi Mariette apprend à Soupir comment siffler en cas d'avalanche, comment signaler le vol de l'aigle, l'approche de l'hermine ou du renard, tous les dangers qui guettent la gent animale dans la haute montagne où ils vivent. Mais Soupir n'est pas très doué et la journée se passe en sifflements signalant les pires catastrophes. Pas étonnant si les amis conviés au goûter ne sont pas au rendez-vous! Heureusement la leçon aura porté ses fruits et Soupir pourra sauver sa famille en sifflant le vol de l'aigle.

L'histoire est charmante, les dessins aussi, très doux, avec des couleurs pastel et des détails très précis sur les paysages et les différents animaux. L'enfant pourra s'identifier aux deux petites marmottes qui sont bien mignonnes. Pourtant le récit manque un peu d'originalité et de surprise.