Derriere les masques

Francisco Ignacio del Valle

Phébus

  • Conseillé par
    11 juillet 2014

    Quand trop de complication tuent la complexité...

    On pourrait imaginer que d'une œuvre à l'autre, un auteur se perfectionne, gommant les éventuels petits défauts dont pâtissaient ses précédents romans...
    C'est pourquoi "Derrière les masques", dernier roman en date de l'écrivain espagnol Ignacio del Valle, a été source de déception. J'y ai retrouvé, en plus accentué, ce qui m'avait empêchée d'apprécier pleinement "Empereur des ténèbres" : un style parfois ampoulé, et des circonvolutions philosophiques qui plombent le récit...

    Le synopsis est bâti à partir d'une enquête a priori banale. Un attentat à la bombe perpétré dans restaurant russe de New York, a occasionné la mort de son propriétaire, puissant mafieux notoire.
    Sur les lieux, se trouvait Erin, reporter photographe qui, suite à un traumatisme vécu lors d'un reportage dans la Yougoslavie en guerre, a délaissé les champs de bataille pour se sédentariser et exercer son métier dans conditions plus sures. Mais les réflexes demeurent : avant de perdre connaissance, sonnée par l'explosion, elle prend quelques photos. Sur l'un des clichés alors réalisés, elle reconnait le célèbre Viktor, chef de guerre serbe. Le hic, c'est que l'individu en question est censé être mort et enterré.
    Après avoir confié sa découverte aux deux agents du FBI chargés de l'affaire, elle-même ne peut s'empêcher de partir en ex Yougoslavie, pour retrouver la trace de Viktor, et l'explication de sa présence sur le sol américain.
    Quant à l'enquête menée sur place par les agents new-yorkais, Daniel Isay et Sailesh Mathur, elle nous fait naviguer dans les eaux glauques d'un nouveau banditisme qui ne connaît pas les frontières, la contrebande et le racket ayant fait place aux magouilles financières de haut vol, et aux trafics internationaux d'armes et d'êtres humains.

    En réalité, l'intrigue policière n'a ici guère d'importance. Elle n'est qu'un prétexte que l'auteur utilise pour étoffer ses personnages, mettre en exergue leurs obsessions, tester leurs faiblesses, et nous livrer le détail de leurs questionnements parfois métaphysiques...

    Ses héros sont rongés, chacun à sa manière, par les manifestations de la cruauté, de l'injustice, dont ils sont les témoins récurrents. Mais les motivations qui les poussent à combattre, à leur petite échelle, ces fléaux, se révèlent plus complexes qu'il n'y parait de prime abord. Derrière la volonté de rendre le monde plus équitable, moins violent, se dissimule une quête plus personnelle, qui consiste à découvrir ce qui se cache derrière leurs propres masques...
    La figure de Viktor prend une dimension quasi mythique. Nimbé d'une aura de mort, propre à susciter la terreur, le serbe sert lui aussi de symbole, de faire valoir à ceux qui le traquent, et qui ce faisant, partent aussi un peu à la recherche d'eux-mêmes.

    Le propos de "Derrière les masques" est donc très intéressant, mais j'ai trouvé que son traitement manquait d'une certaine maîtrise. Le rythme s’essouffle au fil de réflexions philosophiques qui semblent parfois sans rapport avec le contexte du récit, et je me suis régulièrement ennuyée au cours de ma lecture.
    De même, l'écriture souffre par moments d'un excès de lyrisme inapproprié au ton de l'ensemble.

    Dommage, parce que ce roman peut se prévaloir de belles qualités (je pense notamment à la façon dont l'auteur dépeint la ville de New York, nous faisant ressentir sa frénésie), que ses défauts finissent par occulter...