Le Feu à Cheyseron, Histoire de la montagne
EAN13
9782889072248
Éditeur
Zoé
Date de publication
Collection
C. F. RAMUZ
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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Le Feu à Cheyseron

Histoire de la montagne

Zoé

C. F. Ramuz

Indisponible

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C’est un peu pour rire, un peu pour se venger des « Allemands » aussi, que
Firmin enlève Liseli l’Allemande, juste avant de descendre de l’alpage. S’il a
quelques remords parce que le chagrin de Liseli la rend d’abord muette et
amorphe, comme morte, il les oublie vite quand les hommes du village le
complimentent du bon tour joué à ces Allemands qui les ont tant ennuyés. C’est
sans compter le petit Hans, frère de Liseli qui va tragiquement mourir dans
les montagnes des francophones en tentant de retrouver sa sœur. Sans compter
non plus la tristesse de Josette, l’amoureuse de Firmin. Ni peut-être un plus
grand malheur encore, celui annoncé par Mânu, qui leur prédit le mal quand on
agit si mal. Mais pour l’instant, personne ne l’écoute. Le petit Hans, qui
cherche sa sœur dans la haute montagne, vient de chuter dans le brouillard : «
Quand il revint à lui, il faisait nuit. Comme il essayait de bouger sa jambe,
il poussa un gémissement. Et il vit qu’il ne pouvait plus bouger sa jambe, qui
était à côté de lui comme une chose morte et étrangère à lui. Il leva sa main
à sa figure, il toucha quelque chose de gluant. Alors il étendit la main et il
sentit qu’il était suspendu sur une étroite corniche, guère plus large que son
corps ; et au-dessous de lui était le vide et au-dessus de lui la paroi. Il se
sentit faible, il se sentit tout petit ; il se sentit un besoin de dormir,
avec un besoin de pleurer ; il toussa, des larmes lui vinrent ; il appela : «
Maman, maman ! » Il entendit que sa voix ne faisait aucun bruit et il poussait
comme du vide hors de sa poitrine. Quelque chose d’épais et de chaud
continuait à couler de sa bouche ; il toussa encore une fois, puis tout
disparut de nouveau. » Josette, l’amoureuse de Firmin, lui a donné rendez-
vous. Elle veut lui dire son inquiétude parce que Firmin, depuis qu’il est
descendu de l’alpage avec l’Allemande, n’est plus comme avant : « – Ne ris
pas, Firmin, tu me fais trop de peine. J’ai tellement ruminé là-dessus, je
suis tellement tourmentée ! Tu sais, quand on est seule, ça grossit les idées,
et j’étais toute seule, je ne te voyais plus. Alors j’ai imaginé toute une
histoire ; j’ai imaginé que si tu avais amené cette fille, c’était que tu
l’aimais et qu’elle te plaisait mieux que moi. » Le froid, la neige : « Alors
un matin, les fontaines prises, l’eau devenue pierre et qu’il faut casser. Et
le matin suivant, la neige en gros épais bonnets sur les toits. Un épais
chapeau leur est mis, sous quoi les fenêtres regardent avec un air
d’étonnement, et on s’étonne dans les chambres de la clarté qui les remplit ;
parce qu’il semble que le ciel est gris et pourtant il fait clair comme par un
grand soleil, mais c’est une clarté qui vient d’en bas et on dirait que le
soleil est en bas. Et puis, quand il vient, le vrai soleil, tout s’allume, et
tout est comme un feu de copeaux allumés. En arrière de soi, la haute montagne
apparue, et au sommet des toits et à la pointe des barrières, partout où il y
a un relief, une petite flamme tremble, partout où il y a une brisure une
étincelle est accrochée, et par les grands espaces doux, les reflets et les
ombres jouent les uns près des autres. Il n’y a rien de blanc et il n’y a rien
de noir, tout est couleurs et nuances ; tout est une chanson de couleurs et
une harmonie de nuances, dans la belle santé de l’air, sous le grand creux
vide du ciel. » F. Ramuz (1878-1947) est l’écrivain le plus important de
Suisse romande. Né à Lausanne, il fait des études de Lettres puis passe dix
années à Paris, où il fréquente Charles-Albert Cingria, André Gide ou le
peintre René Auberjonois et écrit entre autres Aline (1905), Jean-Luc
persécuté (1909), Vie de Samuel Belet (1913). Dès ces premiers textes, les
thèmes ramuziens de la solitude face à la nature, l’amour et la mort sont déjà
présents. L’écrivain rentre en Suisse peu avant la guerre.Peu à peu, Ramuz
abandonne la linéarité de l’intrigue et adopte un narrateur souvent collectif
et anonyme. Ses romans parlent d’ordre et de transgression, de création et de
destruction, toujours d’amour et de mort. Son style audacieux lui vaut des
critiques : on lui reproche de faire « exprès » de mal écrire. Dès 1924,
Grasset publie ses livres et lui assure un succès auprès des critiques et du
public. Son œuvre est aujourd’hui publiée dans la collection de la Pléiade.
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