Les larmes et l'espoir, 1938-1945

Elise Fischer, Geneviève Senger

Les Presses de la Cité

  • Conseillé par
    4 septembre 2011

    Je remarque souvent dans mes lectures un bon début, une bonne fin et ce que j'appelle "un ventre mou" au milieu du livre (si si, je vous assure ! Vous ne me croyez pas ? Relisez tous mes billets et vous constaterez par vous mêmes.) Une fois n'est pas coutume, là, c'est l'inverse : le début, la mise en place des personnages, des liens qui les unissent, des lieux, du contexte, est long et la fin est un peu mièvre et attendue, "facile" que l'on sent venir depuis un moment, peut-être même depuis le début. Et puis, ce fameux milieu, ce "ventre" n'est point mou du tout. Musclé, même. Documenté, construit comme les journaux de guerre de Magda et d'Esther qui se répondent de chapitre en chapitre. L'aveuglement de Magda répond à l'engagement humain et humanitaire d'Esther, et vice-versa. Parfois, le comte Ludwig von Ehrenberg s'immisce dans la conversation, donnant des nouvelles du front, de l'avancée de la guerre et l'opinion d'un Allemand à la fois satisfait que l'Allemagne se redresse après l'humiliation du traité de Versailles, et dégoûté qu'elle le fasse de cette façon, avec Hitler. Absolument pas nazi, c'est un homme qui souffre pour lui, pour ses enfants et pour son pays.


    Ce que j'aime bien dans ce roman, c'est que l'on suit la guerre presque au jour le jour, par les yeux des deux filles, et de leur père comme si l'on n'en connaissait pas l'issue. Ils se questionnent sur les conséquences probables du conflit, sur la bonne santé de l'Allemagne, par exemple, Ludwig, en 1938
    Les personnages sont parfois un peu prévisibles, mais à eux tous, ils forment ce que l'on appellerait aujourd'hui, un "échantillon représentatif" :
    - le fils et la fille qui s'engagent sans états d'âme derrière Hitler, convaincus de la légitimité et du bien-fondé de la guerre
    - le fils, plus attentif et attentiste, goguenard qui part moins motivé en tant que reporter de guerre
    - le père dubitatif, puis dégoûte luttant à son échelle contre le nazisme
    - la mère, se réfugiant dans l'amour des siens et dans la religion, qui au passage n'a guère brillé par son opposition à la barbarie, Pie XII ayant même écrit en 1940 : "Mon coeur bat pour l'Allemagne" (p.196)
    - l'autre fille, petite juive adoptée, s'engageant dans la Résistance française.
    Tous ensemble, ils permettent aux auteures d'être complètes, de donner les points de vue de chacun, de n'être point manichéennes. Leur livre fourmille de petites histoires dans la grande comme l'on dit communément, comme par exemple Hugo Boss qui a commencé à prospérer en fournissant "chemises, pantalons, uniformes" (p.34) aux miliciens SA.