Sortir du silence et de l'ignorance
Roman sobre et stupéfiant quant au sujet abordé d'une narration précise où chaque mot est pesé, visant juste, laissant le lecteur absorbé dans le désarroi et la réflexion. Meetings de masse en 1933, aveuglement des foules galvanisées et volontairement ignorantes puis le silence instauré dans la terreur et dans l'horreur, la suppression des « inutiles », la terre hâtivement retournée, les corps ensevelis. Hadamar, petite bourgade allemande, hébergeant un hôpital psychiatrique fut l'un des lieux cachés d'expérimentations nazies pratiquant l'euthanasie massive. La littérature interroge l'Histoire, surprend et interroge le lecteur sur les cycles infernaux et démentiels. L'Histoire peut-elle encore se répéter ?
Voix poétique enchanteresse
L'exil perçu comme un souffle de liberté mais aussi comme un fardeau, une ambiguïté dans la construction de l'identité. Partagée entre les joies et les tourments, expérimentant la blessure d'appartenir à deux pays sans y être pleinement, la narratrice évoque avec majesté, parfois avec rudesse et douleur l'Iran et la France, deux terres d'amour et d'abandon, la beauté des langues et leur silence, parfois leur désertion.
Une pépite littéraire de cette rentrée hivernale.
Echanges fraternels et solidarité
Roman vivant pour évoquer la rencontre entre deux femmes et le parcours éblouissant et lumineux de la voisine de la narratrice Jenny Plocki, jeune dame alerte de 92 ans ayant survécu aux pires tragédies du 20e siècle, amoureuse des mots, de la connaissance et de la langue française. C'est le roman d'une vie engagée, d'un combat perpétuel contre les injustices fait d'abnégation et de lumière. À lire et à entendre cette voix inestimable et infatigable on se sent épris de fraternité et d'amitié.
Déambulation littéraire
D'une écriture sobre et douce qui révèle une fois de plus son style élégant, Michèle Lesbre nous invite à découvrir Marion du Faouët, jeune brigande bretonne du 18e siècle libre et vagabonde. Courte forme épistolaire pour évoquer aussi un cheminement intérieur et intime d'une époque à l'autre, une réflexion sur un monde contemporain devenu fou où la pauvreté perdure dans le rejet et l'ignorance, où le partage n'est plus de mise, où les grands voleurs restent impunis tandis que la démocratie périclite.
Une déambulation littéraire à savourer.
Au-delà de l'imaginable
Kinderzimmer désigne la chambre des enfants dans les camps de concentration et d'extermination nazis. Un mouroir où naissent les enfants des déportées. Avec exactitude, avec une exigence linguistique rare, Valentine Goby poursuit son beau travail d'écriture sur les corps féminins, dans la douleur et la tragédie de l'enfantement, dans la solitude des corps meurtris et défaits au sein de la machine infernale à tuer. Ce roman est digne de figurer aux côtés des textes de Robert Antelme ou d'Imre Kertesz. Lisez-le sans désespérance ni appréhension. Une nouvelle voix de romancière s'élève et vous transporte au-delà de l'imaginable et c'en est douloureusement et effroyablement beau.